L’ennemi anglais nous menace ! La flotte militaire datant de Richelieu est en piteux état. Le royaume de France doit réagir ! Colbert se met alors en quête d’un estuaire entre Nantes et Bordeaux capable d’être correctement défendu. La rade de la Charente semble parfaite avec ses nombreuses îles qui la protègent. Louis XIV ordonne alors la construction du plus imposant arsenal maritime de l’époque. C’est ainsi que naquît au milieu des marécages et des près salés, la forteresse de Rochefort que nous allons découvrir.
Des remparts il ne reste presque rien. Cependant l’architecture militaire de la ville reste parfaitement identifiable. Les rues sont tracées au cordeau, les anciennes douves sont devenues des espaces verts, tandis que côté fleuve, certains monuments de l’arsenal ont été restaurés. C’est le cas de la célèbre Corderie Royale.

Rien de tel pour débuter notre découverte qu’une visite du Musée National de la Marine. On y découvre l’histoire de la ville qui se trouve être exclusivement liée à la construction de l’Arsenal Maritime. Car pour la première fois en France, tous les corps de métiers nécessaires à la construction et à la réparation des navires furent réunis en un seul et même lieu. Imaginez la population conséquente qui vînt s’installer ici en seulement quelques dizaines d’années.
L’âge d’or de la ville sera concomitant avec celui des grands vaisseaux à voile. La visite du musée suit l’évolution chronologique des bateaux, depuis le 17ème siècle jusqu’au 20ème à travers des maquettes. Cela va des frégates jusqu’au premiers sous-marins. Les techniques de construction navale ainsi que les instruments de navigation tiennent également une place importante. C’est le cas de la forme de radoub qui fut la première construite dans le monde.
Car malgré sa position stratégique, Rochefort offrait son lot d’inconvénients, à commencer par l’envasement permanant et la faible profondeur du lit de la Charente. Ces contraintes naturelles seront source d’innovation jusqu’à la fermeture de l’arsenal en 1926.
Mais le patrimoine maritime de Rochefort est encore bien vivant. D’ailleurs depuis les fenêtres du musée, une frégate flambant neuve s’exhibe fièrement sur le quai.
La formidable aventure de l’Hermione.
Vous n’avez pas pu passer à côté de ce projet incroyable. En 1997, quelques fanatiques décident de reconstruire à l’ancienne, une réplique de la frégate de La Fayette. C’est un fameux trois mats … dénommé l’Hermione. Car si je me suis intéressé à la cité rochefortaise, c’est d’abord pour ce magnifique bateau. J’étais sur les pas du Marquis de La Fayette. Ce « héros de deux mondes » que nous avions rencontré lors de notre dernier séjour en Auvergne. Alors plongés dans une reconstitution historique du 18ème, le maire de la ville nous avait chaleureusement invité à découvrir le fameux navire.
C’est Téva, un gabier, qui nous enrôle pour la visite. Il nous raconte les étapes de la construction navale. Les ateliers, les vidéos et les photos du parcours nous laissent entrevoir l’immense chantier accompli. Le bateau reconstruit à l’ancienne s’est vu doté d’un peu de modernité. Il aurait été impossible de voguer de nos jours avec les équipements de l’époque.
Mais ce dont Téva veut surtout nous parler, c’est de son voyage transatlantique.
En 2014, l’Hermione est enfin achevée. Son équipage est recruté parmi des volontaires venus de toute la France. Seules la volonté et la forme physique furent prisent en compte pour la sélection. Après quelques essais en mer, il est temps pour l’Hermione de montrer ce dont elle est capable.
Le 18 avril 2015, elle appareille vers les Etats-Unis d’Amérique avec à son bord une cinquantaine de membre d’équipage, contre 200 du temps de La Fayette. Parmi eux quelques professionnels de la navigation bien sûr.
Téva nous raconte les rondes, les manœuvres mais aussi la vie à bord. Il faut toujours quelqu’un sur le pont, jour comme nuit. Les journées sont divisées en quarts. Malgré la forte proximité à bord, tout s’est bien passé nous raconte Téva. « Nous étions tous en train de vivre un rêve ».
Je suis très touché par l’immense solidarité autour de ce projet. Des personnes de toute la France sont venues, et viennent encore prêter main forte à l’association Hermione – Lafayette. L’enthousiasme des bénévoles est presque palpable. Nous terminons notre visite des étoiles plein des yeux.
Retour d’expédition
Rochefort fut par conséquent à l’origine de nombreuses grandes expéditions. La Fayette partit aux Amériques, Trivier vers Afrique ou encore Bellot vers l’Arctique. La ville expose encore le fruit de ces campagnes d’exploration.
Au Musée national de l’ancienne école de médecine navale, la grande bibliothèque nous plonge dans les ouvrages centenaires retraçant ces épopées. Je suis impressionné par la finesse des représentations des inventaires botaniques, zoologiques et ethnologiques. Grace au vernissage, les couleurs sont aujourd’hui encore plus éclatantes que jamais.
Dans une version plus « vivante » de ce patrimoine d’expédition, vous pouvez découvrir la serre du Conservatoire national du Bégonia. À l’origine une collection privée, Rochefort a eu la bonne idée de reprendre cette collection végétale qui fait écho à l’histoire de la ville. Michel Bégon, intendant du roi, fut avec Colbert le plus important acteur du développement de la cité. En 1688, il organise un voyage aux Antilles avec à son bord le botaniste Charles Plumier. Celui-ci découvrira 6 petites plantes herbacées qu’il baptisera bégonia, inventant du même coup la dédicace botanique. À l’issue de cette visite, je peux vous garantir que vous ne verrez plus jamais le bégonia comme une plante de grand-mère.
Un autre personnage célèbre de Rochefort c’est Pierre Loti. Malheureusement la maison du célèbre écrivain Julien Viaud est aujourd’hui fermée pour une longue restauration. Néanmoins le Musée Hèbre de Saint-Clément propose en attendant une exposition couplée d’une visite en 3D de cette même maison. Une superbe expérience qui ravie tout autant les connaisseurs que les novices littéraires. On découvre ainsi cet homme loufoque, démesurément passionné d’exotisme et à la créativité débordante.
Quant au reste du musée il présente également un grand intérêt allant d’œuvres classiques de peintures à des créations contemporaines venues du Pacifique. L’histoire de la ville est bien représentée, notamment par un magnifique plan relief.
Dernière balade dans le centre-ville
Il n’y a rien de surprenant dans le centre ville de Rochefort. Toutefois rien ne brise son unité architecturale faite de pierres blanches et de balcons forgés. Il fait bon flâner sur la jolie place Colbert, lieu de tournage du fameux film des Demoiselles de Rochefort. Autour de nous, les quelques hôtels particuliers édifiés pas les officiers de la marine n’ont guère subit de modification. Nous repartirons conquis par le charme simple de cette ville qui ne manque finalement pas d’intérêts.
Carnet d’adresses :
Office de Tourisme de Rochefort Océan
Avenue Sadi Carnot, Rochefort – 05 46 99 08 60 – rochefort@rochefort-ocean.com
Restaurant Les Jardins du Lac (€€€)
3 chemin de Fontchaude, Trizay- 05 46 82 03 56
Situé à une dizaine de kilomètres de Rochefort, je vous recommande l’hôtel-restaurant Les Jardins du Lac pour sa table gastronomique. Le chef Yohann Suire est talentueux. Il a su m’épater par ses associations de saveurs ainsi que par ses connaissances aromatiques.
Restaurant Les Longitudes (€)
Rue Jean-Baptiste Audebert, Rochefort – 05 46 87 56 15
Idéalement situé en face de la Corderie Royale dans un ancien corps de garde, ce restaurant propose une cuisine fraiche et locale pour le midi (menu 2 plats à 14,5€). J’ai particulièrement apprécié la vue depuis la terrasse à l’abri des arcades ; elle offre une vue sur les bords de la Charente et la corderie bien-sur.

Restaurant Les Quatres Saisons (€€)
76 rue Édouard Grimaux, Rochefort – 05 46 83 95 12
Très bon restaurant dans le centre-ville de Rochefort. J’ai aimé l’ambiance feutrée qui offre calme et intimité. Il y a beaucoup de foie gras sur la carte mais trop habitué j’ai préféré les huîtres chaudes de Charente, beurre blanc et confit d’algues. J’adore ce genre de petite entreprise familiale où tout est fait maison. Le chef est également gabier sur l’Hermione. Pensez à réserver car la salle est petite.

Restaurant Cap Nell (€€)
1 quai Bellot, Rochefort – 05 46 87 31 77
Ce bistrot est devenu une véritable institution sur le port de plaisance. On y déguste principalement des produits de la mer mais j’ai eu un gros coup de cœur pour leur nouvelle création, un nougat au chèvre avec éclats de pistache et d’abricot.
Hôtel-Restaurant Le Logis du Péré 4* (€€€)
Affilié Relais du Silence et Château & Hôtels Collection
Saint Coutant-le-Grand – 05 46 84 07 17 – www.le-logis-du-pere.com
Il ne manquait plus qu’un hébergement de charme pour parfaire ce séjour. Situé à 25 minutes de Rochefort, le Logis du Péré est le seul véritable hôtel quatre étoiles digne de ce nom dans les environs. Cette ancienne seigneurie du 14ème siècle est devenue en 2015 un hôtel haut de gamme. Après de lourds travaux, le site a retrouvé toute sa splendeur d’antan grâce à la volonté de Franck Thierry et Thierry Seguin, deux professionnels du secteur déjà bien connus dans la région. À l’intérieur, on découvre une décoration baroque moderne. Mention spéciale pour les immenses miroirs et meubles massifs qu’ils ont chiné eux-mêmes.
Catégories :Escapades régionales
Bravo Vincent. Très joli.
Très bel article ! Je vais revoir
Les demoiselles de Rochefort pour la peine !!! 😁