Canal des 2 mers à vélo [Part 2]

Jour 2 : Buzet-sur-Baïse > Montesquieu > Agen > Castelculier > Valence d’Agen > Saint-Nicolas-de-la-Grave / 75 kilomètres

Au petit matin, le réveil est douloureux et les courbatures sont intenses. Vais-je réussir à m’asseoir sur la selle ? Ce n’est pas une blague, car j’ai du mal à marcher. Je m’étire et j’observe l’éclusier qui prend son service dans le nouveau bâtiment adjacent. Il gère une double écluse qui relie le canal latéral à la Garonne et la rivière Baïse. C’est l’une des dernières à ne pas avoir été automatisée. Un petit déjeuner réconfortant à l’Île aux bateaux et finalement je démarre.

Ile aux bateaux - Buzet-sur-Baise

Lot-et-Garonne, le verger du Sud-Ouest

Aujourd’hui, je prévois de traverser le département du Lot-et-Garonne qui est assurément le grenier du Sud-Ouest, avec ses grandes plaines fertiles propices aux arbres fruitiers et au maraîchage. Je ne m’étonne plus de voir toutes ces cagettes estampillées 47, lorsque je fais mes courses à Bordeaux. Quelques coups de pédales et je vois déjà apparaître les premiers  kiwis et pommiers.

Pruneau d’Agen ça vous va bien […] vous l’avez dans la tête ?

Je m’arrête dans la Ferme Roques pour en apprendre davantage sur le produit emblématique de la région, le pruneau. J’arrive par les champs et je croise les ouvriers à l’œuvre au tri et au séchage des fruits, ça sent tellement bon. Je fais le tour pour trouver la boutique et rejoindre un groupe de randonneurs, avec lequel je vais apprendre à reconnaître un bon pruneau :

  1. il n’est pas dénoyauté,
  2. sa chair est orangée, ce qui prouve qu’il n’a pas été réhydraté,
  3. il porte la mention IGP pruneau d’Agen mi-cuit.

Vous aurez ainsi la garantit d’un pruneau artisanal, fondant et délicieux, dont le séchage n’excède pas une journée, stérilisé, mais sans conservateur, qui provient à coup sûr d’un producteur indépendant.

Le saviez-vous ?

La prune d’Ente utilisée pour confectionner les pruneaux d’Agen fut ramenée d’Orient au temps des croisades, puis greffée sur un prunier local. Elle s’est particulièrement bien acclimatée dans la région mais se conservait difficilement. La technique du séchage permit d’exporter les pruneaux dans toute l’Europe, puis dans le monde entier au départ port d’Agen. Prisés des marins, ils permettent de lutter efficacement contre l’ostéoporose et le scorbut.

Le canal a dû en voir passer des tonnes de pruneaux. Même s’ils ne sont plus acheminés par voie d’eau depuis longtemps, leur histoire reste étroitement liée. Je reprends ma route pour arriver au plus bel ouvrage d’art de mon parcours, l’impressionnant pont-canal d’Agen.

Pont-canal Agen Lot-et-Garonne

Ce spectacle n’est pas commun, un canal sur un pont qui enjambe un fleuve. En le regardant, je réalise à quel point les hommes sont ingénieux et capables de beaucoup de choses, quand il s’agit de construire des voies d’acheminement. Si parfois cela défigure le paysage, comme certaines autoroutes, ce n’est pas du tout l’impression que me laisse le Canal des Deux Mers. Peut-être, est-ce dû à la douceur du transport fluvial, lent et silencieux, à la nature qui l’entoure, avec ses allées bordées de platanes et ses berges verdoyantes qui sont souvent à l’écart des routes. Mais il y a aussi la beauté des ouvrages d’art, toutes ces belles écluses et ses ponts construits en matériaux nobles, bois et pierres de taille, qui s’intègrent parfaitement dans le paysage. De lignes droites en courbes douces, le canal dessine d’incroyables perspectives pour le voyageur qui l’emprunte. 

Entrée royale dans la ville d’Agen

Pied-à-terre pour traverser le pont-canal, ce qui me laisse le temps d’admirer la vue et de me replonger dans l’histoire. En surplombant les eaux tumultueuses du fleuve, je comprends soudain pourquoi ce canal a été construit. Tantôt d’un niveau insuffisant pour la navigation, puis quelques mois après en crue, dame Garonne ne permettait pas un trafic régulier et sans danger, à une époque où les fleuves étaient les principales voies de transport. Cependant, il fallut attendre 175 ans supplémentaires après l’inauguration du Canal du Midi (1861), pour que le projet du Canal latéral à la Garonne aboutisse (bien trop tard). Entre temps, l’essor du transport ferroviaire remet en question le projet. Mais heureusement, l’État poursuit son financement jusqu’au bout, misant sur la complémentarité des deux modes transport. Mais les frères Pereire (ceux-là mêmes qui firent la gloire d’Arcachon) ne sont pas du même avis. Ils récupèrent la société et la concession d’exploitation, puis imposent des conditions commerciales prohibitives afin de favoriser leurs trains, détournant ainsi tout le trafic sur rail. S’ils étaient encore là, ils détiendraient sûrement les autoroutes.

Train Canal GaronneLot-et-Garonne Pont-canalGaronne Agen Lot-et-Garonne


Me voilà donc dans le centre historique d’Agen et je découvre qu’il est plutôt agréable de circuler en ville avec un vélo électrique. Je rechigne beaucoup moins à m’arrêter au stop ou à céder le passage, car d’un coup de pédale je redémarre aussi vite qu’une voiture. C’est très sécurisant.

J’arrive pour déjeuner au restaurant l’Affranchi, mais patatras, il a dû fermer à cause d’un dégât des eaux. Qu’importe, le gérant m’improvise un déjeuner surprise. Franchement, ce fut une claque de saveurs avec des plats d’une grande originalité. Par exemple, un gaspacho de poivrons rouges, sorbet pruneau. Un plat qui a certainement demandé beaucoup d’essais pour arriver à juguler la puissance des ingrédients, vraiment bluffant. Je n’ai pas été étonné d’apprendre qu’ils avaient décroché un Bib gourmand du Guide Michelin en début d’année.

La pause repas se termine par un café allongé sous les arcades séculaires d’Agen, car je patiente le temps qu’une averse passe. Vive le mois de septembre ! Dès que la pluie cesse, j’enfourche mon vélo pour tester ses capacités, car je décide de gravir le coteau de l’Ermitage pour profiter d’une vue splendide sur la ville. La pente est raide et l’assistance atteint presque ses limites. Il faut pousser très fort, sans faire la danseuse, sous peine de basculer. Impossible de s’arrêter ou de trop ralentir, car sinon l’aide s’arrêterait instantanément. Il faut tenir jusqu’au prochain replat si on veut réenclencher le système. Finalement, j’y arrive en quelques minutes seulement, bien essoufflé mais drôlement convaincu par la machine. À noter dans un coin de ma tête, faire du vélo électrique dans un itinéraire vallonné ça doit être mortel.

Il est temps de filer à Villascopia situé 10 km plus loin. J’effectue une micropause sous un pont pour me couvrir, car le ciel menace encore. En moins de 25 minutes, j’arrive à Castelculier pour ma prochaine visite. À peine garer sous le proche, il se met à tomber des cordes. Je l’ai encore échappé belle !

Au temps de Romains

Villascopia est un site archéologique, situé non loin du canal, qui permet de découvrir l’une des plus belles (et des mieux conservées) villas gallo-romaines du Sud-Ouest. Un petit musée permet de découvrir les objets retrouvés (bijoux, céramiques, …) d’étudier le plan de la maison, puis de visionner un film qui donne vie à cette ancienne demeure, somme toute d’une grande importance dans la province. Ensuite, on peut parcourir les ruines en extérieur et imaginer la beauté des thermes qu’il y avait.

Villascopia Lot-et-Garonne

Comme un air d’automne, entre averses et feuilles mortes

Après ma visite, la pluie a cessé. Il me reste une heure et demie de vélo pour atteindre ma chambre d’hôtes, mais je m’autorise une petite sortie de route (ou de canal) pour faire un tour à Valence d’Agen, déjà bien envahie par les feuilles d’automne.

En fin d’après-midi, je m’écarte une nouvelle fois du canal pour rejoindre ma maison d’hôtes dans le centre de Saint-Nicolas-de-la-Grave. Une charmante petite bourgade médiévale faite de briques et de pierres. Je suis accueilli par Séverine et David, dans une magnifique habitation bourgeoise de 1820, qu’ils ont magnifiquement rénovée depuis 2017. Les chambres sont déclinées autour des cinq éléments et d’une suite baptisée Quintessence. Ils ont choisi une décoration soignée et « épurée » qui révèle les parquets, les briques, carreaux de ciments et autres ornements, qui existaient préalablement dans cette belle bâtisse. Après un bon dîner et des conversations passionnantes, il est temps de me mettre au lit. Finalement, je crois que mon corps s’y est fait, car j’ai pris un plaisir immense (et pas si douloureux) à faire cette longue étape de 75 kilomètres. La journée de demain s’annonce radieuse, je m’endors ainsi dans le Tarn-et-Garonne.


Carnet d’adresses :

Canal des 2 mers 
Construisez votre itinéraire et renseignez-vous sur les prestataires labélisés Accueil vélo sur : www.canaldes2mersavelo.com (en collaboration avec les administrations touristiques locales)

Restaurant l’Affranchi (€€€)Location velo Cycles du Canal
33 rue Cornières, 47000 Agen
09 74 56 91 45
www.restaurant-laffranchi.com

Chambre d’hôtes Au Cœur des éléments
9 boulevard du Barry, 82210 Saint-Nicolas-de-la-Grave
06 17 45 23 35
www.aucoeurdeselements.com

Les Cycles des Canal – location de vélo
4 bis rue Grossolle, 33210 Castets-en-Dorthe
https://lescyclesducanal.com
Cette étape a révélé tout le potentiel de ce vélo électrique : grande autonomie, efficacité en pente raide, redémarrage rapide en ville. On a juste peur de se le faire voler, car il coûte cher, d’où l’importance de s’arrêter chez des prestataires touristiques ayant le label Accueil Vélo, qui proposent en général des solutions de stationnement.

Article non sponsorisé réalisé sur invitation du Canal des 2 mers

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Vincent

Travel Blogger

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